Le traducteur juré en Alsace-Moselle : quelles spécificités ?

17 Fév 2022

Le recours à des traducteurs-interprètes professionnels est nécessaire lors de certaines procédures judiciaires : interrogatoire d’un étranger, traduction assermentée (certifiée conforme à l’original) d’une preuve en langue étrangère… Dans ces cas-là, le tribunal ou l’autorité judiciaire fait appel à des traducteurs dits assermentés. L’exercice de leur fonction expertale est réglementé. En France, il existe une exception aux règles en vigueur : le traducteur juré en Alsace-Moselle. Découvrez ses spécificités.

Traducteur-interprète assermenté au service de la justice : les différentes dénominations en France

L’expert traducteur-interprète (ETI)

Il s’agit d’un auxiliaire de justice. Avant de devenir collaborateur occasionnel du service public (COSP), le traducteur expert judiciaire est nommé par une autorité judiciaire (Cour d’appel ou Cour de cassation) et prête serment solennellement de se tenir à la disposition de la justice.

La dénomination officielle est “expert traducteur et/ou interprète agréé par la Cour de cassation” ou “expert traducteur et/ou interprète près de la Cour d’appel de…”.

Il exerce cette fonction expertale occasionnellement, c’est-à-dire chaque fois que son expertise est requise à la bonne démarche d’une procédure : traduction en français d’une pièce nécessaire pour instruire un dossier judiciaire, interprétariat lors de la comparution d’un suspect étranger auprès d’un juge d’instruction…

Petite subtilité : une fois obtenu le titre de traducteur-interprète assermenté valable 5 ans, ce professionnel figure sur une liste de Cour d’appel comme expert traducteur-interprète. Ce n’est qu’après 5 ans consécutifs d’inscription sur cette liste officielle qu’il peut faire une demande d’agrément auprès de la Cour de cassation. Si elle est acceptée (à condition qu’il ait moins de 70 ans), il est inscrit sur la liste nationale des experts judiciaires traducteurs et interprètes agréés par la Cour de cassation.

Chaque année, l’expert traducteur-interprète près d’une cour d’appel ou agréé par la Cour de cassation a l’obligation de se former et de produire un rapport précis sur les activités d’expertise menées.

À noter : l’expert judiciaire et traducteur-interprète peut également intervenir dans un cadre extrajudiciaire auprès de particuliers, d’entreprises ou de professionnels du droit (avocats, notaires). Sa mission est de fournir la traduction certifiée conforme à des documents originaux pour accomplir certaines démarches : obtention d’un titre de séjour, réponse à un appel d’offres… En France, seuls les experts traducteurs et interprètes sont autorisés à le faire.

Le traducteur-interprète CESEDA

Il ne s’agit pas d’un expert traducteur-interprète. En effet, ce professionnel de la traduction/interprétation n’est assermenté près d’un tribunal judiciaire que dans le cadre d’une mission définie par le CESEDA (Code du séjour des étrangers et du droit d’asile).

Il prête assistance linguistique aux étrangers ne sachant ni lire ni parler la langue française. En revanche, il n’est pas habilité à proposer des prestations extrajudiciaires comme réaliser une traduction assermentée.

Son nom figure sur la liste annuelle dressée dans chaque Tribunal de grande instance (TGI) par le Procureur de la République.

Le traducteur juré en Alsace-Moselle

Il s’agit d’une appellation locale : en France, le statut des traducteurs jurés est spécifique à l’Alsace-Moselle. Il est régi par l’ordonnance impériale du 13 juin 1903, toujours en vigueur dans les 3 départements du Haut-Rhin, du Bas-Rhin et de la Moselle.

Selon le texte de loi repris dans le Recueil des actes administratifs de la préfecture du Bas-Rhin (page 70) du 15 mai 2013, la nomination et l’assermentation d’un traducteur-interprète répondent au droit local.

Par exemple, si un acte notarié effectué à Strasbourg ou à Colmar requiert la prestation d’un interprète traducteur assermenté, le notaire peut réaliser l’assermentation. Au début du XXe siècle, de telles dispositions ont été mises en place par les autorités allemandes vraisemblablement dans le but de faciliter le transfert de propriété. En effet, après la défaite de la France et la signature du traité de Francfort du 10 mai 1871, ces territoires français ont fait partie de l’Empire allemand, et ce jusqu’en 1918.

Aujourd’hui, la nomination de nouveaux traducteurs jurés en Alsace-Moselle n’est plus d’actualité. Pour limiter la multiplication des listes de traducteurs-interprètes assermentés, la décision a été prise de mettre fin à leur nomination en 2013.

Pour autant, certains sont toujours en activité, notamment du fait de leurs conditions spécifiques d’exercice.

Les spécificités du traducteur juré en Alsace-Moselle

Contrairement à un traducteur assermenté expert auprès de la Cour d’appel de Lyon, Grenoble, Paris ou Toulouse, le traducteur juré d’Alsace-Moselle n’a pas les mêmes obligations :

  • Il n’a pas besoin de renouveler sa demande d’assermentation. En effet, sa nomination est valable à vie. Après 70 ans, il peut encore apporter son concours aux institutions judiciaires puisqu’il devient membre honoraire.
  • Il peut exercer sa fonction expertale sans suivre de formation annuelle ni fournir un compte-rendu annuel détaillé de ses activités liées à son assermentation

Bon à savoir : les traductions assermentées effectuées par un traducteur juré dans un cadre non judiciaire ne seraient reconnues comme valides qu’au niveau local. De plus en plus souvent, l’administration française exige qu’une traduction certifiée conforme à l’original soit réalisée par des experts traducteurs inscrits sur les listes officielles (d’une Cour d’appel ou de la Cour de cassation).

Tout comme il existe des exceptions dans la langue française, le traducteur juré d’Alsace-Moselle en est une au sein de la grande famille des traducteurs assermentés. Ce qu’il faut retenir : ce traducteur professionnel a les mêmes compétences que ces confrères sur le reste du territoire national. Mais, si besoin d’une traduction assermentée, mieux vaut s’adresser à un expert traducteur inscrit sur une liste officielle. C’est la garantie que la traduction fournie soit reconnue auprès des autorités françaises compétentes.