Le secteur juridique est un domaine sensible qui demande de solides connaissances pour se l’approprier. Traduire un contrat, un jugement ou une clause légale, ce n’est pas simplement manier les mots, c’est aussi faire dialoguer deux systèmes juridiques, parfois opposés. Comme le droit européen, basé sur des codes rigides, ou la common law, fondée sur la jurisprudence et la logique casuistique.
Une traduction inexacte, même d’un seul mot, suffit à modifier une obligation ou remettre en cause la validité d’un accord. Dans les cas les plus extrêmes, une erreur peut déclencher une guerre. D’où l’importance, pour tout professionnel de la traduction juridique, de comprendre les spécificités systémiques du droit, au-delà des formules et des frontières.
Mais face à cette complexité, quel est le rôle de l’intelligence artificielle ? Jusqu’où peut-elle nous aider, sans dénaturer le message ? Et quelle place reste-t-il au traducteur humain dans ce processus ?
L’importance des mots dans le secteur juridique
« La loi ne dit jamais un mot pour rien. » — Michel Troper, juriste à Paris.
Une précision terminologique indispensable
Le secteur juridique, comme le médical, fait partie des domaines sensibles, où la précision règne. Dans toutes les nationalités, le langage juridique a ses propres codes. Il est étoffé avec un lexique riche et une terminologie rigide. Les mots sont manipulés avec précaution et technicité pour mener à une absence totale d’ambiguïté. Un traducteur, aussi bon soit-il, doit connaître le système juridique et ses particularités, car il est impossible de traduire mot à mot. Le contexte et l’intention juridique ont une importance capitale qui peut changer le sens d’un texte, d’une loi ou d’un contrat.
Les différences juridiques entre les pays
Une connaissance du domaine dans les deux pays de traduction est non-négociable. Certains termes n’ont pas d’équivalent et d’autres ont des significations opposées. Quelques exemples des différences entre droit français et anglo-saxon :
- Common Law : la traduction d’un texte du Common Law doit inclure la notion de jurisprudence, et non sur des écrits. De ce fait, il ne peut pas être directement associé au droit civil.
- Punitives Damages : ce terme désigne une forme de dommages-intérêts. C’est un concept qui n’existe pas en France, il faut donc trouver les bons mots pour l’expliquer.
Au-delà des mots, c’est un écosystème entier qu’il faut intégrer. En France, un juge a un rôle actif, alors qu’aux États-Unis, le juge arbitre une audience et les avocats animent le débat. C’est une subtilité qui influence la façon de formuler les décisions de justice. Le Canada, quant à lui, utilise une double structure : la common law anglo-saxonne et le droit civil français. Tant de différences avec lesquelles les services de traduction juridiques doivent composer.
Le pouvoir des mots dans les textes juridiques
Si l’utilisation d’un faux-ami peut donner lieu à des situations cocasses, une erreur de traduction juridique peut engendrer des conséquences regrettables. Elle peut aller d’une nullité de contrat à une réelle perte financière pour une entreprise. C’est ainsi qu’une entreprise de BTP espagnole a perdu des clients au Moyen-Orient suite à une imprécision de traduction dans la section « garantie ».
Au-delà de l’aspect monétaire, il peut déclencher bien plus qu’un litige. Le traité de Wuchale en 1889 : le pacte de paix entre l’Italie et l’Éthiopie contenait une erreur de traduction entre « devoir » et « pouvoir ». Concernant les accords avec les pays extérieurs, la version italienne emploie l’obligation, alors que l’écrit éthiopien émet la possibilité. Ainsi, les deux parties n’avaient pas la même vision du traité. Un simple mot qui change l’entièreté du document. Une incompréhension qui joua un rôle clé dans le déclenchement de la guerre en 1935.
Malheureusement, ce n’est pas un cas isolé. La tragédie d’Hiroshima et Nagasaki, en 1945, fait suite à une erreur de traduction du terme « Mokusatsu ». Il a été traduit par les Américains comme « ignorer » au lieu de « sans commentaires » suite à leur demande de capitulation. Ce petit mot scellera le destin des deux villes.
Une traduction ne doit pas être prise à la légère, les enjeux derrière sont grands. Alors, quelle est la place de l’intelligence artificielle générative dans le domaine du droit ?
Le rôle de l’IA dans la traduction
L’outil de traduction assistée par ordinateur (TAO) est une force indéniable pour les documents juridiques, mais elle a aussi ses limites.
Qu’est-ce que la traduction par IA ?
Les outils d’intelligence artificielle s’appuient sur le traitement automatique du langage naturel ou Natural Language Processing (NLP) en anglais, ces technologies permettent de comprendre et de générer du texte avec cohérence, à partir de vastes ensembles de données multilingues. Trois modèles principaux sont utilisés :
- la traduction neuronale (NMT), qui analyse un écrit dans son ensemble en tenant compte du contexte ;
- la traduction par règles (RBT), plus ancienne, fondée sur des dictionnaires et des règles grammaticales ;
- les grands modèles de langage (LLM), comme ChatGPT, qui offrent une traduction fluide, nuancée, et culturellement adaptée.
Parmi les outils les plus connus, on retrouve Google Traduction, rapide mais parfois imprécis sur des contenus complexes. DeepL est plébiscité par les entreprises pour sa qualité. Les LLM, comme ChatGPT ou Copilot, capables d’ajuster le ton et le style selon les besoins. Ces technologies font gagner du temps aux professionnels.
Avantages de l’IA pour la traduction juridique
L’IA a déjà fait ses preuves dans de nombreux domaines et continue ses prouesses ! Elle permet :
- d’augmenter l’efficacité : l’IA traite un texte de 1 000 mots en quelques secondes alors qu’il faudrait au moins une heure pour un humain ;
- de diminuer les délais de livraison et les coûts : les tâches chronophages sont effectuées en quelques secondes pour une livraison et des coûts réduits ;
- d’augmenter l’accessibilité : la traduction ne serait plus limitée aux grandes entreprises et aux multinationales, mais accessible à des structures plus modestes.
Des outils d’intelligence artificielle, comme GenIA-L ou Ordalie, sont spécialisés dans le domaine du droit. Elles s’adaptent à tous types de documents : contrats, jugements, actes notariés, brevets, conditions générales de vente, etc. Son utilisation est défendue par de nombreux juristes, comme Fabien Bernier, le CEO de Legal 230.
Si ces outils de TAO aident les entreprises et les particuliers au quotidien, ils sont pourtant limités.
Défis à surmonter avec l’IA pour la traduction juridique
L’intelligence artificielle générative, aussi puissante soit-elle, fait face à des défis qui nous empêchent de lui déléguer 100 % du travail. Elle peut faire des erreurs sur différents points :
- L’aspect sémantique : elle peut confondre des mots proches comme « charge », qui a un sens financier et un sens pénal.
- Le contexte : elle peut traduire « trust » par « confiance » alors qu’au sens juridique anglo-saxon, ce mot désigne une entité légale spécifique.
- La terminologie : elle peut confondre « consideration » par « considération » (au sens d’attention), alors qu’en droit anglo-saxon, c’est un terme qui désigne une contrepartie contractuelle.
- La compréhension : face à une clause comportant plusieurs conditions, elle peut mal relier les éléments logiques en supprimant des liens de cause à effet essentiels à l’interprétation juridique.
- L’interprétation : dans des documents juridiques multilingues, l’IA peut passer à côté de certaines tournures (ex : « it is understood that ») impliquant un engagement implicite plutôt qu’une simple remarque informative.
Voyez l’intelligence artificielle comme un très bon stagiaire : il faut lui expliquer avec précision ce que l’on attend, mais surtout relire et corriger son travail.
Comment assurer la confidentialité des données ?
De plus, les risques liés à la confidentialité des données ne doivent pas être négligés. Insérer des informations confidentielles, sur n’importe quelle IA, vous expose à une fuite de ces dernières. Pour rappel, le Règlement Général sur la Protection des Données (RGPD) européen encadre le traitement des données personnelles.
Au même titre, vous retrouvez les normes ISO (International Organization for Standardization), qui permettent de valider l’aptitude d’un organisme à fournir un service. Faire appel à une agence de traduction certifiée ISO 27001 (norme internationale sur la sécurité de l’information) offre une garantie de fiabilité auprès des clients. Cette certification implique la mise en place de procédures rigoureuses pour assurer la confidentialité des données clients. En cas de manquement, la responsabilité de l’agence peut être engagée juridiquement pour négligence.
L’IA Ordalie est hébergée sur un serveur en France et conforme aux normes RGPD en vigueur.
IA + Humain : Comment intégrer l’IA dans les processus de traduction juridique ?
L’IA peut nous assister dans le processus de traduction en tant que copilote, mais ce sera toujours à l’humain de garder les commandes en main.
L’une des premières façons d’intégrer l’IA dans les processus de traduction juridique consiste à s’en servir pour produire un premier jet. Ce brouillon, bien qu’imparfait, offre une base de travail qui permet de gagner du temps, en particulier sur les structures de phrases récurrentes ou les formulations standards que l’on retrouve souvent dans les textes juridiques. L’humain derrière l’ordinateur doit aussi connaître les bonnes pratiques d’utilisation pour garantir une confidentialité totale des données.
Cependant, un premier jet ne doit jamais être considéré comme une version définitive ! L’intelligence artificielle se charge de l’ébauche, mais c’est au traducteur de s’occuper des finitions. Le spécialiste intervient pour réviser, corriger et ajuster le texte final, afin d’en assurer la qualité, la fidélité et la conformité juridique.
Le modèle le plus efficace reste la collaboration IA + humain. D’après l’étude menée par DeepL, 87 % des juristes utilisent les outils de traduction pour les aider dans leur rédaction. L’IA débarrasse l’humain des tâches chronophages, pour lui permettre de se concentrer sur la valeur ajoutée et l’excellence. C’est l’équilibre entre la vitesse d’exécution et la qualité linguistique.
L’intelligence artificielle n’est pas là pour remplacer le traducteur juridique, mais pour le seconder au quotidien. La combinaison Intelligence Artificielle + Humain s’impose comme le duo gagnant. La traduction juridique n’est pas à prendre à la légère. C’est un travail qui demande des connaissances, de la rigueur et de la précision. Pour préserver la crédibilité et la qualité de votre entreprise, il est recommandé de collaborer avec des traducteurs spécialisés et des prestataires de services linguistiques.